Les mégadonnées et les évaluations numériques des apprentissages prennent une place de plus en plus centrale dans les systèmes scolaires, influant ainsi sur les politiques éducatives et sur les pratiques scolaires et pédagogiques. Cette centralité grandissante s’inscrit dans le cadre plus général de la « disruption » numérique qui s’est traduite par un accroissement du rôle des données dans les pratiques éducatives et le suivi des systèmes. On peut attribuer l’origine de ces transformations à l’augmentation des capacités informatiques, mais aussi à la montée des politiques néolibérales et à la restructuration de la gouvernance selon les principes de l’obligation redditionnelle. Les potentialités que recèlent les mégadonnées et les évaluations numériques des apprentissages sont largement reconnues. Mais il se développe, dans le même temps, une prise de conscience des nombreux défis et risques induits par ces transformations. Le présent article a pour objet d’identifier et d’examiner ces défis et propose des stratégies pour les relever. Il s’intéresse en particulier à l’incidence de la disruption numérique sur l’identité de l’enseignant et son métier, notamment le risque de déprofessionnalisation. Il souligne l’importance de considérer le jugement professionnel de l’enseignant comme un élément central d’une offre scolaire de qualité et de le prendre en compte parallèlement aux données produites par les évaluations numériques des apprentissages. Dès lors, un effort de reprofessionnalisation des enseignants s’impose afin qu’ils acquièrent les compétences requises pour analyser les données et les convertir en action pédagogique.